La transplantation hépatique : traitement de dernier recours dans la maladie de Wilson ?
Publié le 20 juillet 2020
Neurology Journal publie les résultats d’une étude menée sur 5 ans auprès de 18 jeunes patients
Portée par le Centre de Référence Maladies Rares (CRMR) de la maladie de Wilson situé à l’Hôpital Fondation Rothschild, cette étude collaborative menée principalement avec les équipes de neurologie de l’hôpital Lariboisière, AP-HP, d’hépatologie et de transplantation hépatique des hôpitaux Paul Brousse et Bicêtre, AP-HP, démontre l’efficacité et aussi les limites de la transplantation hépatique pour des patients neurologiques extrêmement sévères.
Avec environ 1000 patients touchés en France, la maladie de Wilson est une maladie génétique rare. Cette affection qui se révèle dans l’enfance ou chez l’adulte jeune entraîne une accumulation de cuivre dans le foie, mais aussi dans plus de 40 % des cas dans l’œil et le cerveau. Depuis les années 80, les chélateurs du cuivre pris quotidiennement et à vie ont transformé le pronostic des patients mais, dans certains cas d’insuffisance hépatique grave, le recours à une transplantation hépatique peut être nécessaire.
20 % des patients avec atteinte neurologique en début de maladie présentent une aggravation des symptômes qui peut conduire à un handicap neurologique très important malgré la mise en place des traitements médicaux habituels. Face à ces situations neurologiques catastrophiques marquées par une pharmaco résistance inexpliquée, se pose la question de la transplantation hépatique pour essayer d’arrêter l’aggravation de la maladie neurologique et permettre une récupération fonctionnelle.
Pour tenter de répondre à cette question, le centre de référence de la maladie de Wilson et autres maladies rares liées au cuivre, sous la coordination du Dr Aurélia Poujois, neurologue, a conduit une étude collaborative ambispective avec les équipes de neurologie de l’hôpital Lariboisière AP-HP, d’hépatologie et de transplantation hépatique des hôpitaux Paul Brousse et Bicêtre AP-HP et également avec les équipes multidisciplinaires de Bordeaux, des Hospices civils de Lyon, de Besançon et de Tours, afin d’étudier l’efficacité de la transplantation hépatique comme traitement de dernier recours pour les patients neurologiques extrêmement sévères qui n’avaient aucune amélioration sous traitements chélateurs habituels.
Une cohorte de 18 patients (âge moyen 18 ans) présentant une atteinte neurologique sévère les confinant au lit avec une dépendance totale, ont pu être greffés entre 1994 et 2016. Tous les patients ont eu une évaluation clinique, radiologique et biologique de leur état neurologique et hépatique par les équipes expertes de la maladie de Wilson, avant la greffe et régulièrement ensuite après la greffe, avec des scores d’évaluation dédiés.
Après plus de 5 ans de suivi, les auteurs ont montré que la survie était de 72,2%, les décès survenant essentiellement dans la première année suite à un sepsis. Au dernier suivi, 14 patients étaient en vie avec une amélioration significative de leur état pour la majorité d’entre eux : 8 avaient une amélioration neurologique majeure leur permettant de pouvoir remarcher et d’être autonome dans leur vie quotidienne, 4 avaient une amélioration modérée mais avec une reprise de leur autonomie et 2 étaient stables. L’ensemble des marqueurs biologiques, IRM cérébrales et ophtalmologiques se sont améliorés. Cette étude a aussi permis de montrer que la présence d’une infection ou d’un passage en réanimation étaient des éléments de mauvais pronostics qui devaient contre-indiquer la transplantation hépatique dans ces situations neurologiques gravissimes.
Les résultats de cette étude montrent que la transplantation hépatique peut être une solution thérapeutique ultime à discuter au cas par cas par les équipes pluridisciplinaires expertes de la maladie de Wilson, mais cette solution risquée, nécessite une grande collaboration entre hépatologues, neurologues et chirurgiens.
"Il s’agit d’une avancée majeure dans la prise en charge thérapeutique de patients qui présentent une atteinte neurologique sévère de la maladie de Wilson. Cette démonstration a pu être faite grâce à un effort collectif considérable. Il faut souligner l’implication très forte des équipes de réanimation dans la prise en charge très difficile de ces patients durant la période post opératoire qui peut être très longue" indique le Pr Jean-Charles Duclos-Vallée, Hépatologue au Centre Hépatobiliaire de l’hôpital Paul-Brousse, AP-HP et Coordinateur de la Fédération Hospitalo-Universitaire Hépatinov.
Sources :
Liver transplantation as a rescue therapy for severe neurologic forms of Wilson disease. Aurélia Poujois, Rodolphe Sobesky, Wassilios G. Meissner, Anne-Sophie Brunet, Emmanuel Broussolle, Chloé Laurencin, Laurence Lion-François, Olivier Guillaud, Alain Lachaux, François Maillot, Jérémie Belin, Ephrem Salamé, Claire Vanlemmens, Bruno Heyd, Céline Bellesme, Dalila Habes, Christophe Bureau, Fabienne Ory-Magne, Pascal Chaine, Jean-Marc Trocello, Daniel Cherqui, Didier Samuel, Victor de Ledinghen, Jean-Charles Duclos-Vallée, France WoimantFirst published May 12, 2020, DOI: https://doi.org/10.1212/WNL.0000000000009474
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