Portrait : Emma, orthophoniste

Publié le 1 février 2021

Emma Gentric

"Quand les premiers mots arrivent, c’est tellement chargé d’émotion. Je me souviens de mon premier patient démutisé. Cela faisait tellement longtemps qu’elle ne parlait pas, malgré une stimulation quotidienne, que cela devenait frustrant de ne pouvoir l’aider. Donc le premier jour où elle a parlé, c’était une victoire pour nous. J’ai fait le tour du service pour le dire à tous mes collègues. J’étais tellement contente."

Pouvez-vous décrire votre fonction à l’Hôpital ? 

Je suis orthophoniste depuis cinq ans, dont trois années dans notre Hôpital. J’ai commencé mon activité en partageant mon temps entre l’unité neuro-vasculaire (UNV) et la neurovision (I3N). J’interviens aujourd’hui sur l’ensemble de l’Hôpital. Nous sommes polyvalentes et nous nous adaptons aux besoins des patients. Nous sommes trois orthophonistes mais je suis la seule à temps plein.

 

Quel est votre parcours ? 

Après une première licence d’anglais, puis une seconde en sciences du langage, je me suis intéressée à la linguistique et aux études d’orthophonie. J’ai passé le concours d’entrée et suivi cinq années d’études universitaires. Les centres de formation en orthophonie sont rattachés à une faculté de médecine. La formation initiale permet d’acquérir toutes les compétences théoriques sur les pathologies que l’on peut prendre en charge, en neurologie, en ORL et en pédiatrie. Des stages viennent approfondir cette formation et nous aident à nous spécialiser sur un domaine si nous le souhaitons.

 

À quoi sert un orthophoniste ? 

L’orthophonie est une profession paramédicale. Elle consiste à prévenir, à évaluer et à traiter les difficultés ou troubles :

  • Du langage oral et écrit et de la communication,
  • Des fonctions oro-myo-faciales,
  •  D'autres activités cognitives dont celles liées à la phonation, à la parole, au langage oral et écrit et à la cognition mathématique.

Elle consiste également à :

  • Maintenir les fonctions de communication et de l’oralité dans les pathologies dégénératives et neurodégénératives,
  • Et à dispenser l’apprentissage à d’autres formes de communication non verbale permettant de compléter ou de suppléer les fonctions verbales.

L’orthophonie s’attache aux dimensions plurielles du concept de langage, comme moyen d’expression, d’interaction et d’accès à la symbolisation dans toutes ses dimensions.

 

Pourquoi travailler à l’hôpital plutôt qu’en libéral ?

C’est un choix. Ce que j’aime à l’hôpital, c’est la diversité des maladies prises en charge et la pluridisciplinarité des équipes. J’aime cette complémentarité d’expertises autour d’un patient qui peut avoir besoin d’un kinésithérapeute, d’un ergothérapeute, d’un médecin MPR (médecine physique et réadaptation) et, ce lien direct avec les neurologues, les infirmières. En libéral, l’orthophoniste est souvent isolé dans son cabinet.

 

À quel moment fait-on appel à vous à l’Hôpital ?

En général, c’est le médecin qui nous contacte car il faut une prescription médicale pour une évaluation en orthophonie. Parfois, ce sont les infirmières qui nous contactent lorsqu’elles ont un doute sur l’état de santé d’un patient. Par exemple, quand il n’arrive pas à s’alimenter.

 

Qu’aimez-vous le plus dans votre métier ? 

La rencontre avec les patients et leurs progrès. Récemment, au cours d’une CMD (consultation multidisciplinaire) post-AVC à 3 mois, j’ai revu une patiente qui, pendant son hospitalisation, avait de graves troubles du langage. Après sa rééducation, elle a pu me parler. Nous étions toutes les deux très contentes du travail réalisé, c’était une belle rencontre.

 

Quelles sont vos principales missions au quotidien ? 

En unité neuro-vasculaire, je fais le bilan des patients. J’évalue leurs besoins en rééducation orthophonique et le type de rééducation nécessaire. Sur le plan du langage, ce n’est pas si facile à détecter. En faisant des tests, je peux voir comment il s’exprime et s’il comprend ce que je lui dis. Mon rôle est de bien l’orienter et, si nous en avons le temps, d’initier sa rééducation. Autre exemple, quand un patient est mutique suite à un AVC, nous savons désormais que sa rééducation sera meilleure si nous agissons rapidement pour le faire parler à nouveau, comme par exemple, en l’aidant à compter jusqu’à 5. Pour l’AVC, la rapidité de prise en charge est importante à tous les niveaux.

 

Quelles sont les difficultés liées à votre métier ? 

Le manque de temps. Ce n’est pas vraiment une difficulté mais une légère frustration. Comme la priorité est toujours donnée aux nouveaux patients, car la première évaluation est la plus importante, les patients déjà évalués, nous ne les revoyons quasiment pas. Ils sont orientés très rapidement vers d’autres hôpitaux ou centres pour leur récupération. Il y a également le temps du bilan qui n’est pas un temps dédié. Comme je ne suis pas prioritaire par rapport à certains soins, je suis souvent interrompue ou je dois revenir. Parfois cela dure plus longtemps que prévu.

 

Quels sont vos atouts pour ce métier ? 

Je pense qu’il faut être adaptable et à l’écoute des patients. Comme ils ont des difficultés à s’exprimer, il faut être attentif et prendre le temps. Avec notre expertise et ce temps pris avec les patients, nous pouvons nous rendre compte que parfois ils ont du mal à trouver un mot, à finir une phrase, ils s’interrompent en permanence ou ne vont pas au bout d’une idée. Tous ces signes ne se voient pas sur un temps court. Et, il faut de la patience. Par exemple, pour la déglutition, cela peut prendre du temps alors que c’est un acte naturel, fait automatiquement. Pour un trouble de la parole, il faut aussi du temps et beaucoup de stimulation.

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