Les instabilités chroniques sont les sensations ébrieuses, persistantes et posturales (PPPD). Elles représentent dans notre centre, le troisième motif de consultation.
Définition
Description des symptômes
Les patients se plaignent d’une sensation d’état pseudo ébrieux chronique, de tangage, principalement en position debout, plus ou moins intense, plus ou moins quotidien, qui se majore le plus souvent dans la foule ou dans les grands espaces, mais également devant un écran de télévision ou d’ordinateur lorsqu’il y a un défilement de la scène visuel.
D’autres patients sont handicapés lors de la conduite automobile et ne peuvent plus prendre la route.
Les symptômes sont aggravés par la fatigue ou le stress, le manque de sommeil ou le contexte émotionnel.
Le plus souvent nous rencontrons des patients qui ont eu une longue errance médicale, les symptômes pouvant orienter à tort le médecin non spécialiste vers une origine psychogène, des troubles anxieux ou de la dépression. Ces patients se voient prescrire des anxiolytiques, des anti dépresseurs. En fait l’anxiété ou les symptômes dépressifs sont présents mais réactionnels à l’état d’instabilité ressenti par le patient et au handicap qu’il engendre dans les activités de la vie quotidienne et la vie professionnelle.
Les causes de ces instabilités chroniques
Nous identifions le plus souvent deux causes à ces états d’instabilités chroniques.
La migraine vestibulaire
A l’interrogatoire du patient, on va rechercher l’existence de signes orientant vers une migraine :
- Premièrement des céphalées chroniques de durée variable de plusieurs heures à jours, le plus souvent avec un caractère pulsatile mais pas toujours, le plus souvent à type d’hémicrânie à bascule (tantôt un hémi crâne tantôt l’autre). Il s’y associe des nausées et parfois des vomissements. Il peut s’agir parfois simplement de nucalgies chroniques que l’on attribue à tort à de l’arthrose cervicale
- Deuxièmement des signes d’hypersensibilité sensorielle : intolérance à la lumière, au bruit, aux odeurs et surtout au mouvement. L’existence d’un mal des transports dans l’enfance est considérée comme un équivalent migraineux
- Troisièmement des signes orientant vers des auras visuelles : phosphènes, myodesopsies, amputation du champ visuel.
LE PPPD
Les critères diagnostics ont été établis en 2017 par la Barany society qui regroupe les meilleurs experts mondiaux dans le domaine du vertige
Les critères diagnostics sont:
- Sensation d’état ébrieux ou de tangage ou d’instabilité présent depuis 3 mois minimum. Ces sensations peuvent varier en intensité selon les jours. Ils peuvent être quotidiens ou non, mais au moins 15 jours dans le mois.
- Les symptômes sont aggravés par la position debout, le mouvement ou les stimuli visuels
- Il existe un facteur déclenchant dans les semaines ou mois qui précèdent l’installation de cet état d’instabilité :
– un syndrome vestibulaire aigu (un VPPB le plus souvent, et d’une manière générale toute atteinte de l’organe de l’équilibre)
– une maladie neurologique
4. Les symptômes engendrent une détresse importante et une altération de l’état fonctionnel du patient
5. Il n’y a pas d’autre meilleur diagnostic pour expliquer les symptômes.
Enfin il faut citer les commotions cérébrales principalement chez les sportifs de haut niveau
( rugbyman, footballeurs par exemple) qui sont à l’origine de lésions cérébrales sont les voient de l’équilibre et engendrent une déconnexion des réseaux neuronaux parfois non visibles en imagerie.
La prise en charge des patients
1ère étape est celle de l’écoute du patient
Il faut mettre le patient en confiance, lui montrer qu’on l’écoute et qu’on le comprend.
Il faut recueillir par l’interrogatoire tous les éléments qui peuvent orienter le diagnostic vers une migraine ou un PPPD.
Ces éléments de l’interrogatoire sont souvent négligés par les médecins qui ont tendance à cataloguer les patients comme dépressifs ou anxieux. Les symptômes migraineux par exemple sont souvent négligés car le patient qui vit avec depuis des années ne le mentionne pas spontanément au médecin.
2ème étape est celle de l’examen du patient vertigineux
Un examen complet comme pour n’importe quel patient qui se présente à notre consultation :
- Examen vestibulaire,
- Examen neurologique, examen de la marche ;
- Examen ophtalmologique et orthoptique pour dépister une presbytie débutante, des troubles de la convergence
La troisième étape est celle des examens complémentaires vestibulaires et neurologiques :
- Réalisation d’un test des hautes fréquences vestibulaires : test VHIT
- Examen Vidéonystagmographique
- Réalisation du test des potentiels évoqués otolithiques (PEO) qui testent la fonction otolithique souvent en cause dans ces symptômes d’instabilité.
- Réalisation d’un test d’organisation sensorielle qui permet de mesurer le poids de chaque entrée sensorielle dans la stratégie d’équilibre du patient : quelle est la part de l’entrée visuelle, de l’entrée vestibulaire et de l’entrée proprioceptive.
- Enfin il faut surtout essayer de mettre le patient en condition de gène et observer sa réaction : test sur fauteuil rotatoire à petite vitesse avec et sans stimulation otolithique, yeux ouverts ou fermés. Test de mise en situation avec les stimulations optocinétiques.
- Réalisation d’une imagerie pour ne pas méconnaitre une cause organique : malformation d’oreille, hydrops, sd de Minor, leucopathie vasculaire, lésions inflammatoires de SEP, Arnold Chiari, HTIC.
Le plus souvent les examens complémentaires sont pauvres, témoignant de l’absence d’une origine vestibulaire ou neurologique, sauf les PEO qui montrent une atteinte utriculaire (profil migraineux).
Les mécanismes physiologiques de ces instabilités chroniques
Devant la normalité de ces examens, les patients sont souvent confrontés à la réponse : votre bilan est normal, il n’y a rien c’est psychologique.
En fait le mécanisme commun à tous ces tableaux est l’hypersensibilité sensorielle : le seuil de tolérance aux stimuli habituels est très abaissé. Là ou nous allons tolérer un son à 60 dB sans difficulté, le patient va ressentir le même son comme celui d’un avion au décollage. Pareil pour un mouvement lent sur un fauteuil, le patient avoir la sensation d’être projeté sur le côté ou en avant.
Ces sensations sont parfois si handicapantes que les patients restreignent leurs activités quotidiennes, craignent de sortir seuls, et s’isolent, se sentant incompris de l’entourage familial et des médecins.
Traitements
1. Réassurance, bienveillance, empathie, écoute.
2. Expliquer qu’il y a des possibilités d’amélioration de l’état mais que l’on est dans un processus long qui va souvent demander plusieurs mois de traitement (6 mois minimum)
3. Traitement médicamenteux dont le but est de rétablir un seul de sensibilité sensoriel porche de la normal : utilisation des traitements de la migraine à faible dose, utilisation des inhibiteurs de recapture de la sérotonine à faible dose IRS.
4. Kinésithérapie vestibulaire adaptée et auto-exercices à domicile
5. Sophrologie pour diminuer l’anxiété et les émotions, ancrage corporel, améliorer la qualité de sommeil.
6. Psychologue avec techniques de Thérapie comportementale et cognitive
(TCC) pour remise en situation réelle, déconditionner les émotions et les sensations vécus des lieux de crainte, travailler les conduites d’évitement et travailler sur les anticipations négatives.
Pour plus de détails, le podcast du Dr Levy disponible sur youtube: https://youtu.be/tLdwGZuEZNw